Gilles Duthil

Gilles Duthil”J’étais consultant spécialisé dans le secteur santé/social, expert des questions de vieillissement et je suis devenu haut fonctionnaire”

  • Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours avant votre entrée à l’ENA (origine familiale et géographique, valeurs, parcours professionnel, engagements divers…)?

Je suis né à Dax (40) dans une famille à la fois de commerçants ou exploitants agricoles et de fonctionnaires. Je suis marié et j’ai trois enfants aujourd’hui étudiants. La première étape de ma carrière professionnelle, après des études à HEC Paris, a été consacrée à l’assurance et la protection sociale puis, plus largement dans le champ de la santé, du social, et du médico-social. J’ai officié comme cadre au sein de grands groupes d’assurance (UAP puis AXA), animant des équipes, pilotant des projets de transformation, tout en acquérant au fil des années, y compris comme enseignant et consultant, une compétence sur les questions sociales (formation complémentaire en actuariat à l’Université Paris VI, puis économie de la santé et du social au CNAM).

  • Pouvez-vous décrire la ou les expériences les plus enrichissantes de votre carrière de haut fonctionnaire ? Les moments clés de votre parcours ?

Je suis entré à l’ENA avec le projet de devenir magistrat financier puis de faire des allers-retours entre administration active et la Cour des comptes. Pendant cinq ans, j’ai appris, au sein de la chambre régionale des comptes Ile de France/chambre territoriale Saint-Pierre et Miquelon, ce métier de magistrat financier dans ses différentes facettes (contrôle organique, juridictionnel, saisie de la Cour de discipline budgétaire et financière, rapporteur sur la mission LIBAULT…), tout en restant spécialisé sur le secteur santé/social. J’ai pu assez rapidement participer à des missions internationales, dans le cadre du mandat de commissariat aux comptes du PAM (programme alimentaire mondial). J’ai pu également poursuivre, de manière accessoire, les activités d’enseignement en licence ou master auxquelles je suis très attaché.

  • Que vous a apporté le fait de faire l’ENA ? En quoi avez-vous grandi ?

J’ai fait de très belles rencontres, à la fois d’intervenants et d’élèves fonctionnaires (à l’ENA, à l’INET, dans les IRA). Je n’oublie pas également mes maitres de stage (dans l’administration allemande, le préfet de Maine-et-Loire, le PDG de VEOLIA). J’ai également vécu intimement à l’ENA l’ambition, voulue par Michel Debré et contenue dans l’ordonnance du 9 octobre 1945, d’un recrutement diversifié des hauts fonctionnaires d'État grâce à la mise en place d’un concours d’accès unique à la fonction publique, ainsi que le décloisonnement des parcours. En revanche, j’ai trouvé l’Ecole en retrait par rapport à la dimension européenne ainsi que le projet de modernisation de l’administration, par rapport à ce que j’avais imaginé avant d’y entrer.

  • En quoi le fait d’être devenu haut fonctionnaire après une première vie professionnelle, a-t-il constitué un atout dans votre contribution à la mise en œuvre d’une politique publique ? de réformes ? N’hésitez pas à donner un exemple. 

Une des grandes réussites à la fois économique et sociale des 70 dernières années est sans nul doute le système de protection sociale développé en France et en Europe, apportant au plus grand nombre une couverture contre les aléas de la vie (maladie, handicap, vieillesse…). Des générations de hauts-fonctionnaires ou commis de l’Etat, à l’instar de Michel DEBRE, Alexandre PARODI, Pierre LAROQUE ont oeuvré pour mener à bien ces politiques. Mon objectif est de m’inscrire, à ma place, dans leur prolongement et de m’investir sur ces sujets dans les 20 prochaines années de ma carrière professionnelle.

  • Pourriez-vous partager une anecdote qui est particulièrement mémorable d’une situation professionnelle au cours de votre carrière ?

J’ai rejoint le 1er février 2021 le ministère des solidarités et de la santé, comme directeur de projet ”transformation des agences sanitaires”, auprès du Directeur général de la santé. Cette direction générale est emblématique de la raison d’être de l’Administration. L’action de l’État ne se limite plus aux seules fonctions liées à l’exercice de la souveraineté (fonctions régaliennes). Son champ d’intervention s’est étendu à de nombreux domaines où existe un intérêt général qui ne peut être satisfait par la seule action des particuliers ou des entreprises (ex : éducation, culture, recherche, santé, accompagnement social...). Que ce soit en temps de paix ou temps de crise (comme actuellement avec la pandémie COVID-19), il s’agit tout à la fois de tenir ensemble des objectifs souvent contradictoires : les priorités à court terme en même temps que celles à moyen-long terme, les réponses adaptées aux situations locales en même que l’égalité de traitement au niveau national, la nécessité de couvrir les besoins en même temps que celle de gérer avec parcimonie les finances publiques. De même, plus que toutes les déclarations d’intention, la pandémie COVID-19 a permis de renforcer significativement, et concrètement au quotidien, la coopération entre le ministère, avenue de Ségur à Paris 07, et les services de la Commission à Bruxelles.

  • Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui, après une première expérience dans le privé, souhaite s’engager au service de la puissance publique ?

Longtemps, des personnes ayant réussi dans le privé, dans leur domaine professionnel, se sont autocensurées en fonction de la perception qu’elles avaient de la difficulté du concours ENA et de la complexité de l’organisation de l’Administration. La fin des parcours de carrière linéaires dans le public comme dans le privé incite nombre de profils nouveaux (entrepreneurs, cadres d’entreprise ou consultants, mais également professions libérales, élus, responsables associatifs) à franchir le pas pour rejoindre le secteur public et mettre leurs compétences au service de projets d’intérêt général. Il faut, en consultant plusieurs avis, s’interroger sur le sens de cet engagement, et les modalités RH en vigueur au sein de l’Administration, avant d’être candidat.

  • Enfin, en quelques mots…
  • Les causes qui vous tiennent à cœur : l’Europe, la coopération franco-allemande, les objectifs de développement durable pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous.
  • Une lecture inspirante : ”vies minuscules” (Pierre Michon)
  • Une citation qui vous inspire : ”Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous, ensemble” (Euripide)
  • Le meilleur conseil qu’on vous ait donné : ”Regarder devant soi”